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De 1580 à 1682 (ordonnance royale promulguée par Louis XIV afin d’arrêter la violente répression)  va s’ouvrir un siècle de persécutions contre les sorciers envoyant au bûcher 4 à 5 000 personnes.

Les sorcières du Lancashire

Les sorciers, suivant les faits reprochés, et après avoir été soumis à la question étaient soit libérés (rarement) soit bannis du village, ils partaient alors sans leur conjoint, sans leurs enfants avec un pauvre baluchon sur le dos, mais le plus souvent  ils étaient condamnés à mort, pendus avant d’être livrés aux flammes ; leurs cendres étaient jetées au vent car il était interdit d’enterrer les restes d’un sorcier dans la terre sacrée d’un cimetière.
L’accusation de satanisme frappe notamment les vieilles paysannes dépositaires des secrets des recettes de plantes car, dans la pensée populaire, qui peut guérir peut aussi donner le mal !
Monfort a été pris dans cette tourmente et deux procès étranges s’y sont déroulés en 1644 et 1672.
Le premier procès eut lieu en Juin 1644 et quelques habitants du lieu accusés du crime de sorcellerie et de sortilèges eurent à comparaître devant le substitut du procureur du Roi, il est relaté en ces termes :
« Jean Laurens, dit Capdet, est et demeure convaincu de sorcellerie et d’avoir foulé aux pieds en pleine assemblée du diable le saint sacrement » Il fut condamné à demander pardon à Dieu, au Roi et à la justice « au devant de l’église de Montfort, la hart (corde) au cou, tenant un cierge allumé à la main du poids d’une livre ». Onze femmes convaincues des mêmes crimes que le dit Capdet, furent condamnées à pareille amende honorable.

Le sabbat des sorcières par Goya

Tous ces coupables devaient être livrés à l’exécuteur de la haute justice pour être promenés autour de la ville, conduits ensuite au carrefour de « las Cailhaouses », où ils seraient brûlés sur un bûcher dressé à cet effet.
En outre, ils étaient condamnés à une amende de six cents livres.
Mr. Arquier, juge, ayant décidé qu’il suffisait de condamner le dit Laurens à être pendu, tous les membres du tribunal se rangèrent à son avis.
Mais, parmi les femmes accusées il en était une, Blaisie Marqué, qui sans doute parut plus coupable que ses compagnes ayant certifié « qu’elle avait assisté au sabbat et qu’à l’instigation du diable, elle avait renoncé à Dieu, au Paradis et à son baptême » elle fut donc livrée aux mains de l’exécuteur pour « être fustigée à tous les coins et carrefours de la ville jusqu’à effusion du sang. »
Le deuxième procès qui eut lieu en 1672 est beaucoup plus complexe car il est lié à des malaises ressentis par de nombreux habitants de la bastide.
L’interrogatoire a été ainsi mené :
-Jean Tourné, dit Salomé, êtes vous coupable d’avoir causé par sortilège la maladie du « hoquet » ?
– Non, je n’ai pas causé cette maladie et je n’ai pas eu d’intelligence avec « manigle » (satan) pour cela.
– Jean Tourné avez-vous fait un pacte avec le démon pour guérir gens et bêtes ? pour cela, n’avez-vous pas promis de vous donner au démon après votre mort ?
– Un jour j’allais à « Laouret » à Solomiac et j’étais très affligé d’avoir essayé de guérir quelques personnes, sans avoir réussi ; le démon m’apparut sous les traits d’un homme bien vêtu et me dit « Qu’as-tu ? »  « je suis affligé de ne pouvoir soulager une personne dont j’avais entrepris la guérison et j’ai peur d’être maltraité » Le diable me répondit « désormais tu guériras toutes sortes de bêtes et de personnes en récitant la prière comme je te l’ai dit. Promets moi de te donner à moi après ton décès » je le fis, je lui promis mon âme et mon corps et depuis ce moment, j’ai eu le pouvoir de guérir les bêtes et les hommes de toutes sortes de maladies.
Ce procès prit de vastes proportions et eut un grand retentissement, les accusations formant un volume de 44 feuillets. A cette affaire déjà compliquée vinrent s’ajouter d’autres accusés et après jugement Dominique Lafitte et Jean Tourné furent convaincus de crime de lèse majesté divine et autres crimes et condamnés aux peines suivante :
– Ils seront livrés aux mains de l’exécuteur de la haute justice qui les conduira devant la porte principale de l’église, la hart au col, tête et pieds nus, tenant en leurs mains une torche allumée de cire jaune du poids de trois livres, où il demanderont pardon à Dieu, au roi et à la justice de leur méfaits. Ils seront condamnés ensuite à faire les tours accoutumés par les rues de la ville et près de la porte de Sainte Gemme, ils seront pendus et estranglés et ensuite leurs corps brûlés et mis en cendre sur un bûcher du même lieu. Leurs biens seront acquis et confisqué au roi. Avant de mourir, ils seront appliqués à la question pour, de leur bouche, découvrir plus amplement leurs complices.
-Nous condamnons le dit Duffaut, pour les crimes résultant du procès, à servir le roi dans les galères pendant sa vie, ses biens acquis et confisqués au roi.
-Nous ordonnons que la dite Lacroix soit appliquée à la question ordinaire et extraordinaire pour découvrir plus amplement de sa bouche la vérité de ces accusations.
Fait et arrêté à Monfort le 14 juillet 1672.

Voici le rapport qui est fait pour expliquer en quoi consistait cette terrible maladie désignée sous le nom de « hoquet ».
L’an 1672 et le trentième novembre dans la ville de Monfort est assemblé dans la maison commune les consuls et assistants, Le sieur Du Hourquetpremier consul explique qu’un étrange maléfice afflige depuis 8 mois environ la communauté et que plus de cent personnes de l’un ou l’autre sexe sont terriblement tourmentées par des symptômes et convulsions si grandes et extraordinaires qu’elles ne diffèrent presque point des agitations et violences des possédés, hurlant, jappant, mugissant et contrefaisant la voix de plusieurs animaux durant la violence d’un cruel « hoquet » qui les persécute jusqu’à ce que perdant la force elles tombent dans un évanouissement si léthargique qu’elles demeurent sans mouvement et aucun sentiment, ne sentant pas, lorsqu’on les pince ou qu’on leur serre les doigts, jusqu’à ce qu’étant revenus de ces extases, elles sont derechef violentées par de plus grandes convulsions, se roulant par terre et mordant les mains et souffrant si extraordinairement qu’il fallait trois ou quatre personnes pour les tenir. A suite de quoi il leur vient un vomissement épouvantable qui leur fait rejeter des choses……étranges comme des pelotons avec des cheveux, avec des pièces de verre et de la cire, avec des petits billets de papier où il y a des caractère inconnus, des pièces de fer blanc et de cuivre, des grains de chapelets et des boutons et des clous de longueur d’un doigt tout rouillés, des aiguilles et des épingles et de vieux ciseaux et des lames de couteaux, des pierres et des pièces de drap et des linges et quantité d’autres choses sales et horribles à voir, qu’elles sont rendues en présence de la plupart des habitants de cette ville et de quantité d’étrangers qui viennent voir par compassion ces pauvres maléficiés ; plusieurs fois les plus fameux médecins du voisinage sont venus pour connaître cette effroyable maladie de laquelle ils ont conclu d’un commun accord qu’elle n’était point naturelle et que c’était l’effet d’un maléfice donné par des sorciers ou magiciens, de quoi on ne peut douter vu l’inefficacité des remèdes qu’ils ont ordonnés et l’aveu même  d’un sorcier prévenu qui a avoué avoir donné les dits maléfices.
Pour remédier à un mal si funeste l’assemblée et le recteur de la présente ville avons formé et prononcé par la bouche du dit sieur curé un vœu à dire à l’honneur de l’immaculée conception de la Sainte Vierge, pour mettre sous sa protection cette ville et obtenir de Dieu par son intercession la délivrance des dits maléfices, promettant de faire célébrer une messe solennelle en la chapelle du rosaire et faire une procession par la ville et huit jours de suite faire dire huit messes dans la dite chapelle.
De plus la communauté promet et s’engage à perpétuité de faire célébrer une messe solennelle, en la même chapelle, tous les ans le jour de la fête de l’immaculée conception, qui est le huitième décembre et faire une semblable procession.
Pendant deux siècles la paroisse de Monfort a été fidèle à sa promesse et à ce témoignage de reconnaissance pour l’arrêt d’un fléau si terrible, quoi qu’on puisse penser de sa cause.
Aujourd’hui comment peut on interpréter ces malaises ressentis par trop de personnes pour avoir été imaginés ? A l’inverse des régurgitations citées qui relèvent de la pure fantasmagorie liée à la sorcellerie, les symptômes étaient bien réels et provenaient d’une intoxication due à l’ergot, champignon parasite qui infecte les céréales dont le seigle qui, s’il est moulu avec lui pour faire du pain est à l’origine d’une intoxication appelée ergotisme, ou à l’époque «maladie du hoquet », qui entraîne de très graves troubles d’ordre neuropsychologiques ainsi que digestifs.
Plus près de nous, en 1951, ce phénomène a d’ailleurs été à l’origine de l’affaire du pain maudit de Pont St Esprit, causant plusieurs décès et laissant des dizaines de personnes atteintes sur le plan mental.

 

Simone Mauruc-Gallenne

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Source : Extrait d’une communication de P. Lamazouade d’après les notes de L’abbé Bénac de Ste Gemme parue dans la revue de Gascogne n° 1 de 1901.